Vénus Pamphile avait toujours aimé les moldus. Leur technologie la fascinait et elle était impressionnée de voir quels trésors d'ingénierie ils pouvaient déployer pour compenser leur absence de magie. Elle aimait leur mode, elle aimait leur musique, elle aimait leur histoire. Une fois diplômée de Beauxbâtons, elle avait voulu se spécialiser dans leur étude. Ne pouvant trouver une place au Ministère des Affaires Magiques français, elle put cependant partir en tant que stagiaire au Ministère de la Magie, à Londres. Le beau-père de sa cousine Fleur avait longtemps travaillé dans ce département et put jouer de ses relations pour lui trouver une place. De fil en aiguille, elle finit par rencontrer, au cours de ses observations, Edward Warren. Ce dernier, jeune boulanger obsédé par le surnaturel, ne put que tomber sous le charme de la jeune sorcière. Ils se marièrent en 2020 et une petite fille vint éclairer leur foyer, cinq ans plus tard.
En plein orage médiatique après la révélation au monde entier de l'existence des sorciers, le couple se fit très discret. Pas de magie en dehors de la maison, rien qui puisse être visible par les voisins. Mais si les deux adultes étaient capables de se fondre dans la masse, ce fut bien plus difficile pour la jeune Andromède, qui ne comprenait pas pourquoi les professeurs fronçaient le nez devant elle, ni pourquoi elle jouait toujours seule dans la cour.
Plusieurs fois, des groupes d'enfants plus grands vinrent l'entourer, lui demandant de faire de la magie. Le plus souvent, c'était seulement envahissant. Mais ensuite, ils commencèrent à utiliser la force pour obtenir une réponse de sa part. Alors on la changea d'école.
Si les violences avaient cessé, Andy était toujours aussi seule. Oh, elle tenta bien de se faire des amis mais elle ne pouvait s'empêcher d'agir bizarrement à cause des murmures qu'elle entendait. D'abord indistincts, ils se révélèrent de plein fouet alors qu'elle n'avait que huit ans. Elle était en cours d'art plastique, isolée au fond de la classe, lorsque la voix d'un des garçons de la classe se fit entendre, comme de l'intérieur.
"Elle est vraiment bizarre cette fille... En plus elle fait peur."Interpellée, la fillette releva la tête.
" Hein ? Quelqu'un a dit quelque chose ?"Sa voix haut perchée retentit dans le silence et tous les regards se braquèrent sur elle.
"Il faut encore que le monstre se fasse remarquer...""Elle va nous lancer un mauvais sort, ça y est ! Maman avait raison, elle aurait dû être virée !""Mais qu'est-ce qu'elle est gênante..."De toutes parts, des voix inaudibles qui trahissaient des pensées bien plus cruelles que ne laissaient penser les visages. Les yeux humides de larmes, la petite fille chercha vainement à se boucher les oreilles avant de s'évanouir au milieu de la classe.
On la changea encore une fois d'école.
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Une fois admise au sein de Poudlard, la jeune sorcière s'ouvrit davantage à ses semblables mais souffrit toujours de ces traumatismes d'enfant différente. Sans le vouloir, elle s'était protégée par un mur d'érudition et de légère arrogance que peu de personnes parvinrent à briser. Elle garda secret son don de légilimens par peur de voir fuir le peu de personnes qui comptaient pour elle. Avec le temps, elle apprit à le maîtriser et à occulter les pensées de ceux qui l'entouraient, avant de le tourner à son avantage en entrant dans le club de Duel de l'école, au cours de sa quatrième année.
Élève modèle, elle se démarqua avec les honneurs dans presque toutes les matières. Si les sortilèges, les potions et l'astronomie n'avaient aucun secret pour elle, la jeune femme se montra incroyablement médiocre en vol sur balai. Mais après tout, pourquoi voler si on peut transplaner et utiliser des Portauloin ?
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C'était en troisième année. Le professeur de Défense contre les Forces du Mal leur avait fait affronter un épouvantard. Il y avait ce garçon, qui souriait tout le temps. Andromède le trouvait terriblement grande gueule et bien trop sûr de lui. À vrai dire, il lui tapait carrément sur le système. De quoi pourrait-il bien avoir peur ? Sans doute rien de traumatisant. Les gens comme ça, avec l'air toujours heureux, ça ne souffrait pas...
Elle ouvrit de grands yeux lorsque la chose qui sortit de l'armoire se transforma en deux lettres pour Poudlard. L'une des deux se désagrégea littéralement, foudroyant sur place le jeune homme. Dans un moment de faiblesse, elle rompit ses barrières et chercha à lire dans son esprit. Et elle comprit. Elle comprit l'histoire de son frère. Elle comprit que ce garçon si joyeux cachait en réalité un traumatisme douloureux qu'on ne pouvait deviner.
Après le cour elle l'approcha. Elle fut maladroite mais il ne la rejeta pas et ce fut le début d'une amitié profonde. Ilarion était entré dans sa vie.
En quatrième année, ils intégrèrent tous les deux le club de Duel, ce qui fit naître entre eux une certaine rivalité bon enfant, que les autres ne manquaient pas de relever. Plus les deux jeunes gens entraient dans l'âge fleuri de l'adolescence, plus ils s'emmuraient derrière cette opposition compétitive pour ne pas s'avouer qu'ils se voyaient l'un et l'autre comme plus que de simples amis.
Leur proximité s'accrut encore quand, dans leur cinquième année, ils devinrent préfets. Cet été là, Andromède passa ses vacances chez son "ami" et rencontra son frère, Uriel. Elle utilisa ses dons et son empathie comme elle put pour les faire se comprendre mutuellement, sans y parvenir totalement. Au cours de ces vacances, elle faillit avouer ses sentiments à Ilarion mais se retint, par peur du rejet. Il faisait partie de ses seuls amis et elle ne voulait pas le perdre pour de bêtes mouvements du coeur...
Ce chassé-croisé se poursuivit durant toute la durée de leurs études et se cristallisa dans leur septième année, lorsqu'ils furent tous deux nommés préfets en chefs et qu'ils ouvrirent ensemble le bal de Noël. Andromède regretta longtemps de ne pas avoir saisi sa chance, cette nuit là.
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Après l'obtention de son diplôme à Poudlard, la jeune femme entama des études approfondies d'Astronomie tout en menant de front une carrière dans les Duels Magiques. Par cinq fois, elle obtint le titre de Champion d'Europe haut la main.
Tout semblait lui sourire, mais l'année de ses vingt-et-un ans, sa mère disparut en laissant une lettre. Elle quittait sa famille pour un homme plus jeune et sorcier qu'elle avait rencontré au ministère et dont elle était tombée follement amoureuse. Son père fut dévasté mais Andromède n'en crut pas un mot. Jamais Vénus n'aurait tourné le dos à sa famille, cela ne lui ressemblait pas ! Avec toute l'énergie dont elle était capable, elle commença à enquêter sur la fuite de sa mère qui lui paraissait de plus en plus suspecte. Personne ne l'avait vue avec un homme, même ses plus proches amies n'avaient rien su. Son trajet menait à une impasse.
Elle dût mettre ses recherches de côté le temps des qualifications pour le Championnat de Duel de l'année 2046. Son père l'avait suppliée de ne pas abandonner son titre pour une femme qu'il estimait infidèle.
Ce fut le coeur lourd qu'elle monta sur l'estrade et ses genoux flanchèrent lorsque ses yeux croisèrent ceux, bien trop connus, de son adversaire.
Devant son air mutin et son sourire complice mais confiant quant à sa victoire, elle crut se liquéfier.
Au cours de l'affrontement, Andromède fit de nombreuses erreurs. En difficulté, perturbée par sa mère et les sentiments contraires suscités par son adversaire, toute sa détresse et sa rage éclatèrent. Elle utilisa un sort qu'elle avait récemment mis au point, censé agir comme un fouet. Elle l'avait répété des dizaines de fois, tout irait bien, elle le désarmerait et l'enverrait au sol en un coup net !
L'incantation éclata et une déflagration retentissante envahit l'espace. L'instant d'après, il était au sol mais une morbide tache rouge commença tout de suite à s'étaler le long de sa chemise immaculée.
Les infirmiers se précipitèrent vers lui alors que les arbitres l'entouraient pour la déclarer vainqueur. Andromède n'entourait plus rien. Ses oreilles bourdonnaient et elle tordait son cou pour apercevoir sa silhouette, déjà embarquée sur une civière.
Le soir même, elle déclarait forfait et se retirait de la compétition. Elle rangea son costume de duelliste et ne le ressortit plus jamais.
Au lieu de rendre visite à Ilarion, elle préféra disparaître des radars, craignant d'être dangereuse pour lui, ou de croiser la déception et la douleur dans ses yeux. Elle partit, à pied, et écuma presque toute l'Angleterre, observant les étoiles, visitant les planétarium moldus, s'imprégnant de leurs avancées technologiques en matière d'étude de l'espace. Parallèlement, elle tenta, encore et toujours, de retrouver la trace de sa mère.
L'année de ses vingt-cinq ans, elle réussit enfin à remonter une piste concrète, qui la mena jusqu'à une sordide prison tenue par les Partisans. Cependant, trahie par son informateur, elle ne put pas y pénétrer et s'assurer de la présence de sa mère entre ces murs. A deux doigts de se faire attraper par les gardes qui l'avaient repérée, la jeune femme ne dû sa survie qu'à une transplanation in extremis. Déterminée à secourir sa mère, elle essaya d'entrer en contact avec d'autres sorciers pour les avertir du danger, mais ses appels restèrent sans réponse.
Abandonnée par son père, qui avait définitivement fait le deuil de sa femme et ne supportait plus les lubies de son enfant, elle rentra à Londres et s'installa dans une petite chambre du Chaudron Baveur, le temps de chercher un emploi stable.
Quelques semaines plus tard, la lettre de recrutement en tant que professeur d'astronomie à Poudlard vint solutionner la plupart de ses problèmes. Mais sa mère n'était toujours pas en sécurité.